26/01/2008

Berlin vu par Kits Hilaire

"Berlin, dernière" c'est Berlin vu par les yeux d'une jeune Française qui s'y installe en 1987, écoeurée par la campagne où elle vit, par le vert, la nature. "La première fois que j'ai vu Berlin, de jour, j'ai cru me trouver transportée dans le Bronx, à la télévision. De grandes rues larges, des immeubles lépreux comme disent les reportages, gris, sales, marron, détruits. La fin du monde, Kreuzberg".

L'histoire de Kits Hilaire c'est l'histoire de Kreuzberg, de ce quartier de l'Ouest collé au Mur, presque une enclave à l'Est. Kreuzberg : "quartier de taudis branlants réservés aux travailleurs turcs invités, comme dit si joliment la langue allemande, invités à rester là, à l'écart, collés au mur (...) quartier oublié, périphérique (...) quartier récupéré par des centaines d'anges venus fêter la fin du monde, danser sur les restes de ce monde". Kreuzberg, quartier des immigrés, quartier des pauvres, des marginaux surtout. Kreuzberg des punks, des associaux, des "anges", venus se perdre dans le gris, dans la crasse, dans le néant, dans le chaos "terrible et merveilleux" d'un Berlin âpre, au "romantisme exacerbé".

Berlin qui attire et rejette. "A 14 ans, raconte Kits Hilaire, Berlin représentait le modèle de toute choses. L'endroit rêvé. Cassé dedans, bétonné autour, entouré d'un mur couvert de barbelés.". Berlin, ville-adolescence. "Kreuzberg à 15 ans. Le rêve et le cauchemar enfin devenus vrais". Une ville, où à l'ombre du Mur, on peut s'abriter, se cacher, s'enfouir, où les "anges" rêvent de "bétonner Kreuzberg" en construisant un deuxième mur. Le dehors n'est qu'un mot, le hors-Mur n'existe pas, l'hors-Kreuzberg s'efface. Alors on étouffe : "La ville me rejette, je le sens, elle me vomit. La ville est trop dure avec moi." Un an, c'est le temps qu'il faut, "après on ne repart pas", un an pour s'habituer, pour que Berlin s'habitue. "On veut s'enfuir, on a des rêves d'horizon, c'est normal, naturel. Il est difficile d'oublier le naturel. Dépasser la nature, passer à autre chose". Schikse vit au milieu de dizaines d'écrans de télévision "réglés sur la neige", Andy passe ses journées chez lui, volets clos.

Adalbert Strasse, la rue de Kits Hilaire, où passait le Mur


Kreuzberg, un Berlin en pire ou en mieux. Un Berlin plus radical, plus dur encore. Le quartier bouclé lors de la visite de Reagan, les émeutes du 1er mai 1987. Protégé par le Mur. "Dehors, le monde, ses lois, ses mensonges. Dehors, le blanc, la face éteinte. Je veux rester à l'intérieur, du côté caché, à l'ombre du Mur." On finit par oublier qu'il existe autre chose. "On finit par croire notre normalité à nous universelle." La chute du Mur signifie la fin d'un monde, la fin du monde de Kits Hilaire, la fin d'un certain quartier. A la curiosité hébétée des citoyens de l'Est, venus "voir de leur yeux, si c'était vrai, s'ils pouvaient vraiment sortir et rentrer, juste voir de l'autre côté", se heurte la stupéfaction des habitants de Kreuzberg. "Il fallait y aller. Voir. Assister à ça, quelle que soit la douleur". Kreuzberg contre les"casseurs de Mur", contre les casseurs de rêve, contre les casseurs de cauchemar. Kreuzberg envahi, par les "touristes est-allemands" qui regardent avec de grands yeux la faune bigarrée du quartier.
Alors pour Kits Hilaire, pour ceux qui restent encore, il faut partir. Ou reconstruire Kreuzberg ailleurs, "sous dôme, entouré d'un mur".

Ou monter un circuit touristique : "des autochtones simuleront une attaque de bus en règle, avec cocktails Molotov et lancement de pavés, des barricades, une mise à sac de magasins à laquelle le touriste pourra participer, quelques danses primitives punks, une voiture renversée". La fuite ou le folklore. La "normalité" qui déferle à Kreuzberg fait de ses habitants des marginaux, la minorité. "Presque comme ailleurs". Mais fuir n'est pas possible, quitter Berlin n'est plus possible. Certains partent, finissent toujours par revenir. D'autres ne supporteront pas que le Mur ouvre leur petit monde sur l'extérieur.

"La fin du Mur. La destruction de Kreuzberg; le passage obligatoire à l'âge adulte" conclut Kits Hilaire. La fin d'un monde violent mais protégé, la fin d'un quartier ravagé qui étouffe autant qu'il libère, la fin d'un certain romantisme noir la fin d'un certain Berlin.

07/01/2008

Paroles et musique

Pour bien commencer 2008, et parce que mon oreille commence à être habituée, je me lance à la découverte de la musique allemande... je ne m'y suis pas vraiment intéressée jusqu'à présent parce que je dois dire que j'avais exactement les mêmes préjugés que tout le monde, l'allemand ne paraissant pas être la langue la plus facile à faire sonner. Déjà que je n'écoute presque que des chansons anglophones pour cette même raison sûrement que l'anglais "collera" toujours plus à la mélodie... Ajoutons à ca le souvenir de fabuleux groupes qui ont durablement exporté une image assez pénible du rock allemand (Scorpions, je pense que ca suffira).

Mais quatre mois ont passé, je commence à parler un peu plus "flüssig", et surtout l'allemand qu'on me parle me semble nettement moins heurté à mesure que je peux suivre ce qu'on me dit, pour finir par paraître doux et fluide...

Première incursion du côté de Tocotronic, groupe pop-rock originaire de Hambourg.

Convaincus?